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Le maître des rêves

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La traduction des carnets laissés en héritages par sa mère va emmener Joël plus loin qu'il ne l'aurait imaginé...

Claire et Joël se recroisent par hasard au bord du lac de Neuchâtel, après s’être perdus de vue durant des décennies. En héritage de sa mère Makala, Joël a reçu une pile de carnets écrits dans une langue inconnue. Claire, originaire du même petit pays caucasien que Makala, lui traduit ce journal intime. Au fil des rendez-vous, leur ancienne amitié se renoue.

Joël découvre ainsi que sa mère a fui son village pour échapper à un mariage forcé. Pour financer son voyage vers la Suisse, elle s’est vendue à Itann Kadesh, ennemi juré de son clan et membre de la mystérieuse caste des maîtres des rêves. À la fin de son journal, Makala demande à son fils de rapporter ses cendres dans son pays natal.

Un long périple commence alors pour les deux amis, qui vont revenir sur les traces du passé et s’inventer un nouvel avenir. Leur voyage ne sera pas sans surprises, ni déconvenues. Ce récit poignant suit des personnages attachants qui découvrent la culture de leurs parents et qui, à l’aube de leurs vieux jours, laissent enfin libre cours à des sentiments retrouvés.

Laissez-vous emporter par ce roman surprenant et partez à la rencontre de Claire et Joël sur les traces de leurs origines dans un petit village du Caucase.

EXTRAIT

Nous avions pris l’habitude de nous retrouver à tour de rôle chez Joël et chez moi. En général, il lisait ma traduction pendant que je sirotais mon apéritif en tricotant ou en lisant un magazine. Au début, il avait trouvé impoli de lire en ma présence. J’avais réussi à le convaincre que ça ne me gênait pas et que j’appréciais de recueillir ses impressions « à chaud ». J’aimais aussi l’observer quand il caressait du regard les mots que j’avais retranscrits pour lui.

Il replia les feuillets et dit pensivement :

– Je pense que mon père avait senti que ma mère avait une intention cachée en me donnant des leçons d’accordéon. Autant il m’encourageait à bien travailler à l’école, autant il n’a jamais manifesté le moindre intérêt pour mes progrès musicaux.

– Tu aimais l’accordéon ?

– Beaucoup. Je suis resté quinze ans dans cette société d’accordéonistes, où j’ai acquis un bon niveau.

– Le but de ta mère était manifestement de t’enseigner des airs kertash. Ce n’était pas dans une société de musique neuchâteloise que tu pouvais en apprendre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Née en 1965 à Genève, Sylvie Barbalat acquiert une formation de biologiste, complétée par un doctorat en entomologie. Elle travaille depuis 2002 pour le WWF-Suisse comme chargée d'affaires pour le canton de Neuchâtel, où elle réside.

L'écriture devient très tôt pour elle un mode d'expression privilégié. Son activité professionnelle l'amène à rédiger régulièrement des articles de vulgarisation scientifique. Appréciant le défi de rendre des sujets techniques accessibles à tous, cela a ravivé le plaisir d'écrire qu'elle avait tu pendant ses études. Le maître des rêves est son premier roman.

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Le maître des rêves-1
Le maître des rêvesPendant longtemps, j’ai bravement assumé mon âge. Maintenant, c’est terminé. Plus question d’exhiber mon corps fané aux regards que j’imagine pleins de pitié ou de dégoût. Je viens donc nager tôt le matin, car j’aime le lac de Neuchâtel comme mon meilleur ami. Dès que la température le permet, je me plonge dans ses flots qui m’accueillent tels les bras d’un amant bienveillant. La sensualité de cette caresse liquide me rappelle ce que j’éprouvais, autrefois, auprès d’un homme. À ces heures, je croise tout au plus un joggeur ou un cycliste. Personne dans le lac, à part les mouettes et les canards. J’adore nager avec eux. Dans l’eau, j’ai l’impression qu’ils me prennent pour l’une des leurs : ils ne s’envolent pas à mon approche. Si je suis vraiment seule, je nage jusqu’à l’extrémité d’un brise-vagues, retire mon maillot de bain, le coince entre deux blocs de pierres et me laisse porter par les vagues. J’ai alors l’impression de ne faire plus qu’un avec les éléments. Parfois, je me dis que c’est comme ça que j’aimerais mourir : me fondre dans ces flots amicaux et m’y dissoudre pour toujours… Quand je suis assez matinale, je m’offre le spectacle du ciel encore rose sur lequel se découpe la silhouette des Alpes. Avec mes aquarelles, je tente de capter les couleurs du lever du soleil chaque jour différentes. En nageant, j’essaie aussi de m’imprégner de la perspective des montagnes vue du ras de l’eau, afin de les reproduire à la peinture. Une fois rhabillée, je vais boire un café chez Renzo, qui tient la buvette de la plage. C’est un type sympa, capable de s’enflammer sur les mérites respectifs de la bérudge et de la damassine, de la taillaule et de la cuchaule, avec un accent italien dont la saveur est restée intacte après quarante ans de séjour en Suisse. Comme beaucoup d’immigrés, il pensait venir quelques années, afin de s’acheter une maison au pays. Il a travaillé comme un fou en économisant chaque franc. Il l’a construite en grande partie lui-même en y passant toutes ses vacances. Quarante ans plus tard, il est toujours là et se rend compte qu’il ne rentrera probablement pas au pays. – J’ai fait une connerie, me dit-il souvent d’un ton de regret. Mes deux filles sont mariées à des Suisses. J’ai deux petits-enfants, le troisième est en route. Qu’est-ce que j’irais faire là-bas où tout le monde m’appelle « le Suisse ». Je ne me sens même plus chez moi dans mon propre village. Tu imagines ça, Claire ? Et moi, j’imagine Tremonazzo, un village peuplé de vieux, quelque part dans la Basilicate, avec de jolies maisons construites par les émigrés, vides onze mois par an. J’essaie de le consoler. – Au moins tu auras un endroit ensoleillé où passer l’hiver pendant ta retraite, alors que nous moisirons ici sous le brouillard. – Ouais, ça ira tant que j’aurai la santé pour faire le voyage. Il y a quand même quinze heures de route et je n’ai plus vingt ans. – Tu prendras l’avion. Je le dis sans conviction, sachant que rien ne réparera son déchirement. Il restera ici auprès de ses enfants et ne se résoudra pas à se séparer de cette maison qui demeurera vide. À sa mort, ses filles la vendront, préférant passer leurs vacances à Rimini ou aux Baléares. Tout le monde le sait, personne ne le dit, peut-être dans l’espoir que le silence empêche l’inévitable. Même s’il me parle trop souvent de sa maison, j’aime bien Renzo. De plus, ses glaces sont les meilleures de la ville. Il m’a aussi beaucoup touchée le jour où j’étais revenue à la plage, après une semaine d’absence. Il m’avait accueillie furieux. – M’enfin, Claire, t’étais où ? Je me suis fait un sang d’encre pour toi. – J’ai été malade. Rien de grave. Juste un refroidissement. – Juste un refroidissement ! Tu parles ! À ton âge, on ne sait jamais comment ça peut tourner. Tu vis seule. Y a au moins quelqu’un qui peut t’apporter à manger ? – Oui, ne t’inquiète pas. Ma voisine Giulia a la clé de mon appartement. Ma copine Gaby aussi. – Celles qui viennent de temps en temps boire le café avec toi ? Elles sont encore plus âgées que toi ! Et s’il leur arrive quelque chose à elles ? Hein ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu vas me donner ton numéro de portable et prendre le mien. Tu m’appelles en cas de pépin. Tu me refais plus un coup pareil, OK ? – C’est promis Renzo, merci. J’avais été vraiment émue de son inquiétude. Je vivais seule depuis plus de trente ans. Je n’avais pas de famille, seulement des amis, plus ou moins proches. À côté du plaisir de nager et du café de Renzo, j’adore la plage de Neuchâtel pour son ambiance et le mélange de populations qui s’y côtoient, surtout en été. Sur la pelouse, loin de l’eau, on trouve plutôt les amoureux, les b****s de copains qui jouent au frisbee et des immigrés de toutes provenances, seuls ou en groupes. C’est aussi sur l’herbe qu’on tombe sur les artistes : gratteurs de guitare, jongleurs, break-dancers, adeptes de diabolo ou de djembé. Près de l’eau, sur la plage de galets, on voit plutôt les nageurs, les jeunes familles ou encore les touristes. Entre la plage et la pelouse passe un chemin où circulent les promeneurs, les parents avec poussettes et des enfants en patins à roulettes. J’ai remarqué qu’il n’y a pas de vieux sur la plage. Sans doute qu’ils sont comme moi, complexés par leurs chairs plissées. La plupart de ceux qu’on voit restent un peu en retrait, sagement assis sur les bancs installés le long du chemin, dûment habillés. Ce que j’adore par-dessus tout, ce sont les joueurs de beach-volley. J’installe mon fauteuil pliant au bord de leur terrain et je mate. Je ne me lasse pas de regarder ces jeunes gens sportifs et bronzés courir, sauter et parfois se jeter dans le sable en éclatant de rire. Au début, je prenais un tricot pour me donner une contenance. Un jour, un joueur m’a fait remarquer en rigolant que mon ouvrage n’avançait pas, ce qui était l’exacte vérité. Alors, j’ai changé d’activité. Maintenant, je les dessine. Je tente de capter leurs mouvements au fusain, comme j’essaie de cueillir la couleur du lac avec mes aquarelles. J’ai fait des photocopies couleur de mes peintures lacustres et les utilise comme fond pour dessiner les joueurs de beach-volley. Je ne figure parfois que le haut de leur corps, ce qui leur donne l’air de sortir de l’eau, tels des créatures mythiques. Avec mes croquis, j’ai grimpé dans leur estime. Je suis passée du statut de mémé-tricot à celui d’artiste. Avant de m’installer, je leur demande toujours poliment la permission de les dessiner. À la fin de leur partie, ils viennent voir le résultat. – C’est moi, M’dame ? Vous m’avez fait le nez trop pointu ! Et là, c’est Elodie ? Vous lui avez dessiné des épaules d’haltérophile ! J’explique que mon intention est de capter les mouvements et non les traits du visage. Elodie s’approche, se penche sur mon croquis et confirme. Je la regarde. Effectivement, j’ai exagéré la rondeur de ses épaules. Je rectifie le trait. – Comme ça, c’est mieux ? ________ Ce jour-là, je m’installai comme d’habitude au bord du terrain. Elodie s’approcha de moi. – Bonjour M’dame, je pourrais vous demander un service ? – Bien sûr. – Aujourd’hui, on organise un tournoi. C’est Julien qui doit enregistrer les participants. Il vient de m’envoyer un SMS pour me dire qu’il est coincé dans un bouchon et ne sait pas quand il pourra arriver. Ça vous embêterait de le remplacer ? – Pas du tout. Qu’est-ce que je dois faire ? – Vous installer à la table là-bas sous le panneau « Accueil ». Il y a les listings des inscrits avec les numéros des terrains sur lesquels ils doivent jouer. Au fur et à mesure des arrivées, vous cochez les noms et vous leur indiquez leur terrain. – Ça ne m’a pas l’air compliqué. Je devrais y arriver. – Sûr. Je m’assis à l’endroit indiqué et commençai mon travail. Un groupe de jeunes s’approcha de moi. – Bonjour, Kozlowski Ceslaw. – C’est bon. Terrain 5. – Pendant que vous êtes à la lettre K, moi, c’est Kohl Manfred. Nous jouons ensemble. – OK. Terrain 5 aussi. – Lopez Fernando. Je joue avec Nils Sörensen. – Terrain 2. Vous êtes une équipe très internationale. – Que voulez-vous, c’est la mondialisation. Moi, c’est Raitonen Matti. Je joue avec Matthieu Cordier. – Terrain 1. Tiens, tout de même un nom local. – Raté, je suis étranger, moi aussi, a rigolé l’intéressé avec un accent provençal. Je viens d’Avignon. – J’ai connu un Joël Cordier quand j’étais jeune. Ça vous dit quelque chose ? – Un peu ! C’est le nom de mon grand-père. Tenez, il discute là-bas avec notre entraîneur. Vous le reconnaissez ? Vous vous appelez comment ? – Claire Mercier. – Je vais lui dire de passer à l’accueil. Vous verrez bien si c’est le bon Joël ou non. – Merci et bon match. Je pris une profonde inspiration. Joël Cordier ! Un amour de jeunesse inavoué. J’étais si timide à l’époque ! D’un seul regard, les garçons me faisaient trembler de la tête aux pieds. Leur parler ne se faisait d’ailleurs pas. Joël aussi était plutôt réservé. Nous habitions le même quartier et avions un bout de chemin commun pour nous rendre dans nos lycées respectifs. Nous nous saluions et cheminions chacun de notre côté de la rue, lui à gauche et moi à droite. Nos regards se croisaient parfois. Nous détournions alors immédiatement les yeux en rougissant. Engagés l’un et l’autre dans le scoutisme, nous appartenions à des groupes différents et ne nous étions plus recroisés après le lycée. Nous nous étions ensuite revus quelques années plus tard, lors d’un rassemblement européen de scouts, organisé à Cassis. Surpris de nous revoir si loin de notre ville natale et ravis de retrouver une connaissance au milieu de cette réunion cosmopolite, nous avions beaucoup discuté. Il m’avait plu. Puis nous étions rentrés en Suisse en nous promettant de nous revoir, ce que nous n’avions jamais fait. Je m’étais mariée peu après. Un mariage qui avait mal tourné. J’avais souvent repensé à Joël en me disant que si j’avais été libre à Cassis, c’est peut-être lui que j’aurais épousé… ________ Je regardai un homme âgé s’avancer vers l’accueil. De taille moyenne, plutôt trapu, des cheveux et une barbe blanche, un t-shirt rayé et des jeans. « Une dégaine de vieux loup de mer, il ne lui manque plus que la pipe et le ciré. Plutôt bien conservé » pensai-je. Je n’aurais toutefois jamais reconnu le jeune homme à l’indomptable tignasse brune, au regard d’émeraude et au sourire rêveur d’il y a cinquante ans. Alors qu’il approchait, j’accrochai mes yeux aux siens. La seule chose que je reconnaîtrais avec certitude dans son visage était le vert si particulier de ses iris. Il avançait d’un pas vaguement hésitant. Je devinais qu’il me scrutait, lui aussi, cherchant sans doute des restes de l’étudiante idéaliste dans mon visage ridé. Quand il fut assez près pour que je reconnaisse la couleur de ses yeux, je souris et lui adressai un petit geste de la main. – Salut Jo, quel incroyable hasard ! – Claire, c’est bien toi ? demanda-t-il en continuant à me dévisager. Je ne savais pas comment le saluer. À l’époque, on ne se faisait pas la bise. Toutefois, les mœurs ayant évolué, lui serrer la main me paraissait trop formel. Je me levai et l’embrassai sur les deux joues. – Tu ne m’aurais pas reconnue, hein ? – Non, avoua-t-il. – Après cinquante ans, tu as une excuse. – Et toi, tu m’aurais reconnu ? – Peut-être, mais uniquement grâce à tes yeux. Leur couleur est vraiment unique. – Pendant des années, j’ai porté des verres de contact colorés pour leur donner une couleur plus banale. Je n’aimais pas passer pour un extraterrestre. Ensuite, j’ai développé une intolérance aux lentilles. Je ne peux presque plus les porter. Me voilà de nouveau obligé d’assumer cette drôle de couleur. Ça me fait plaisir de te revoir. Tu as le temps de boire un verre ? – Quand j’aurai fini mon travail. Installe-toi à la terrasse de la buvette. Je te rejoindrai dès que j’aurai terminé. Alors qu’il s’éloignait, je le suivis du regard. « Joël ! Il ne m’a pas oubliée. Il est content de me revoir et il m’invite à boire un verre… » pensai-je avec ravissement. Puis l’instant d’après : « Qu’allons-nous nous dire, à part des banalités ? Comment renouer le lien rompu ? » Y avait-il quelque chose à renouer ? En avais-je envie ? Je pouvais prédire très précisément à quoi ressemblerait notre conversation après une si longue séparation : « Qu’est-ce que tu deviens ? » « Ben, tu vois, je suis à la retraite. Et toi ? » « Moi aussi. » « Tu te rappelles d’untel ? » « Oui. Qu’est-ce qu’il devient ? » « Il est décédé. » « Ah, bon ? Je ne l’ai pas su. » « Et untel, tu es resté en contact avec lui ? » « Oui. Il souffre d’Alzheimer, il est dans un home. Il ne reconnaît plus personne. » « Quelle sale maladie, un type si sympa. » Une fois qu’on a fait le tour des connaissances communes, on ne sait plus trop quoi se dire. On termine en échangeant ses coordonnées et un rituel « Ça m’a fait plaisir de te revoir. On s’appelle. » tout en sachant qu’on ne le fera pas. ________ Ça n’avait pas manqué. Après les habituels « Qu’est-ce que tu deviens ? » et le tour des connaissances communes, la conversation s’était enlisée. Plus aucune trace de l’étudiant engagé qui voulait changer le système. J’avais en face de moi un gentil grand-père qui jouait aux échecs, surveillait son taux de cholestérol et accompagnait son petit-fils à ses tournois. Prétextant un rendez-vous, je mis fin à la conversation avant que la situation ne devienne trop gênante.

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